Odile DECQ
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- Adresse : 11, rue des Arquebusiers 75003 PARIS
Odile Decq a ouvert son agence d'architecture dès l'obtention de son diplôme en 1978 à la Villette, tout en poursuivant ses études à l'IEP de Paris (D.E.S.S. d'urbanisme en 1979).
La reconnaissance internationale arrive très tôt, dès 1990, à l'occasion de la première grande commande: la Banque Populaire de l'Ouest à Rennes. Les très nombreux prix et publications qui accompagnent la construction de ce bâtiment soulignent la naissance d'un nouvel espoir qui met à mal les conventions poussiéreuses. Dès lors, l'agence est envisagée comme un instrument de futur, et les projets comme des générateurs de désirs.
En mettant en question la commande, l'usage, la matière, le corps, la technique, le goût, l'architecture inventée propose un regard paradoxal, à la fois tendre et sévère sur notre monde. Ainsi seront réalisés successivement le viaduc autoroutier de Nanterre, l'UFR de Sciences Eco et la bibliothèque de droit de l'Université de Nantes. Cette production atypique sera récompensée par un Lion d'Or à Venise en 1996.
Dans les années 2000 Odile Decq reste fidèle à sa position de résistante, tout en diversifiant et radicalisant sa recherche. Dans l'obsession du détail de conception, la quête in fine de la disparition de la technicité au profit de l'émotion, elle aime intégrer au processus de création le dialogue avec les techniciens. Elle apprécie de se confronter à leur savoir précieux et de comprendre, dans le souci de l'exigence, les mécanismes de production. En remettant quelquefois en cause une ligne, une matière, un assemblage, en expliquant la plus-value, économique ou sensuelle de ces mutations, chacun trouve sa place, se sent aspiré par l''uvre. Le travail n'est plus mécanique. L'intérêt, la difficulté deviennent source de plaisir.
Chaque projet, comme le Musée d'Art Contemporain de la Ville de Rome, se propose d'être des explosions jubilatoires pour les sens.
L'Information Center à Shanghai, est une intrigante fleur qui déploie la puissance de l'hypertension et distille le parfum suspendu du suspens.
Le restaurant de l'Opéra Garnier glisse un spectre contemporain dans un monument historique.
Quant à sa dernière victoire, le FRAC Bretagne à Rennes inauguré en 2012, dans sa promesse d'oxygène neuf, elle carapace le c'ur du flux, accrochant ses veines pulsatives aux limites brouillées du ciel, de la terre et de la mer.
Les projets à venir, le siège de GL Events à Lyon, le Musée de Géologie et de Paléontologie de Nanjing, les maisons en Bretagne et d'autres sont autant de promesses de nouvelles expérimentations sensuelles.
Mais ne voir Odile Decq que par la production de l'agence c'est manquer la part éclairante du travail. L''uvre est bien plus qu'un style une écriture, une attitude ou un processus de production, c'est un univers.
L'univers possible d'une altérité pacifiée à accrocher au fil de l'horizon. Un univers qui ne se limite pas aux réalisations architecturales, mais tend vers le design et l'art contemporain. Une pluridisciplinarité aujourd'hui récompensée par le titre de Créateur de l'année du salon Maison&Objet.
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Phantom Opéra Restaurant
Comme un fantôme, silencieux et insidieux, le volume de la mezzanine protéiforme aux courbes douces, couvre l'espace d'une surface qui se creuse, ondule et semble flotter au-dessus des convives.
Installé derrière les piliers de la façade Est, le restaurant de l'Opéra Garnier s'installe là où, à l'ouverture du bâtiment, les abonnés étaient déposés par voiture à cheval pour rejoindre directement la rotonde des abonnés.
Inscrire un nouvel espace dans l'Opéra Garnier c'est d'abord être soumis à de très fortes contraintes de protection liées au caractère de Monument Historique du lieu : impossibilité de toucher les murs, les piliers et la voûte pour pouvoir assurer à terme la totale réversibilité.
La façade du restaurant alors se glisse et ondule tel un simple voile de verre posé là en retrait des piliers. Pas de structure visible, une simple lame d'acier à 6m, retenue par quelques biellettes en inox aux corniches supérieures, maintient le verre totalement transparent en place, comme « par magie ». Sa présence est minimum et la vue dans les deux sens est totale.
Atteindre les 90 couverts intérieurs est une autre contrainte dans cet espace relativement restreint. Une mezzanine, réalisée comme une surface continue. Depuis les fines colonnes posées au sol à proximité des piliers de pierre jusqu'aux coques de plâtre blanc moulé formant garde corps en bordure de cet espèce de vaisseau glissé sous la coupole, c'est une surface de forme nuageuse qui se développe et se love entre les éléments de l'existant et qu'elle ne touche jamais. Une allusion à la forme fluide du fantôme dont le voile blanc glisse subrepticement dans l'espace.
Ainsi, silencieusement, presque insidieusement, le volume de la mezzanine protéiforme aux courbes douces, couvre l'espace d'une surface qui se creuse, ondule et semble flotter au-dessus des convives. L'espace est dégagé et ouvre la vue vers l'extérieur.
La clef de voûte dont la vue reste dégagée depuis le sol en bas et la voûte de la coupole deviennent soudainement très proches pour les convives installés au-dessus au creux de la coque revêtue à l'intérieur d'un rouge accueillant. La perception de l'espace est perturbée, la symétrie de la coupole n'est plus perceptible, les repères ont changés. C'est alors que l'espace devient, en contraste, plus intime et plus privé.
Le rouge descend les marches du grand escalier de manière théâtrale et se répand sur le sol noir au centre de l'espace de la salle en bas afin de recevoir les tables jusqu'en rive de façade.
Au fond, à proximité de l'accès au c'ur de l'Opéra, l'espace devient plus fermé, plus privé en contraste avec la blancheur de la salle, c'est la « lounge » aux longues banquettes rouges continues.
En rive un grand et long bar noir sinue autour d'une colonne.
Tout est fait là pour désigner la qualité du restaurant installé au sein de l'Opéra Garnier, sans mimétisme à l'architecture de l'existant, en la respectant mais tout en affirmant réellement son caractère contemporain.
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