4 immeubles en pierre massive à Genève (ch)
Le parti pris de ce projet est de démontrer la faisabilité économique, constructive et technique d’édifices de grande dimension en pierre massive et structure bois. Le projet fort de ce concept développe un langage architectural simple et rationnel qui met clairement en relation le couple forme et matière sans artifice stylistique. Le plan est composé d’une série de murs en pierre massive qui forment la structure principale de l’édifice tout en conférant aux appartements un confort d’usage exceptionnel en profitant au maximum de l’inertie thermique.
Ce projet est le fruit d'une collaboration avec Gilles Perraudin, architecte lyonnais qui œuvre depuis de nombreuses années pour l'usage de la pierre massive.
Trois éléments majeures participent de la complexité majeure de cette opération. Dans un premier temps, il s'agit principalement de logements sociaux pour le compte de la commune de Plan les Ouates. Le coûts de constructions sont très contrôlés et ne peuvent pas dépasser les coûts de constructions ordinaires à Genève. Ensuite, le climat de Genève et principalement les longues périodes de gèles ont impliqués des recherches très poussées et d'importantes contraintes quand au choix de la pierre et se mise en œuvre. Enfin, le volume de pierres (2000m3) impliqué ainsi que les cadences de poses nous ont incités à être très impliqué dans le processus même d'extraction, de transport et de logistique afin de chercher, entre carrière, maçon et architecte les solutions les plus efficientes.
opération : 68 logements, PPE, LUP
MOE : Archiplein Perraudin Consortium
MO : Commune de Plan-Les-Ouates
BE : Perrenten et Milleret
lieu : Les Sciers - Plan les Ouates
Genève, Suisse
date : 2016- en cours
surface : 12 500 m²
montant : CHF 28 M
mission : complète
type : concours sur sélection
Article dans Tracé, par Frédéric Frank
https://www.espazium.ch/fr/actualites/pierre-massive-domicile
Dans un contexte légal particulièrement contraignant, l’opération en cours d’achèvement à Plan-les-Ouates, réalisée sur la base d’un concours gagné par le consortium Perraudin Archiplein en 2016, ne manque pas de créer la surprise. Première réalisation helvétique en pierre massive dédiée à de l’habitation collective depuis des décennies, les deux immeubles semblent tenir du mirage dans le contexte actuel.domicile
Le canton de Genève est connu pour l’application particulièrement exigeante de sa réglementation en matière de réalisation d’ensemble d’habitation collective. Celle-ci s’est assouplie depuis une dizaine d’années mais certains points restent plus complexes à appréhender que dans d’autres cantons. En effet, dans les périmètres colloqués en zone de développement, la mixité entre types d’appartements est obligatoire et la surface par pièces des appartements est fixée, celle-ci étant globalement plus basse que dans d’autres régions de Suisse, ce qui a un impact typologique, certains plans d’appartement n’étant pas réalisables alors qu’ils le sont à Bâle ou à Zurich. Sur la base du nombre de pièces habitables cumulées dans la totalité de l’immeuble, un budget cadre est attribué: il est identique quelle que soit la construction et il est impossible d’y déroger.
C’est dans ce contexte légal particulièrement contraignant que voient le jour les deux immeubles en pierre massive de Plan-les-Ouates. Sur un sous-sol en béton se développent 4 à 8 niveaux hors-sol, dont le système porteur vertical est intégralement réalisé en pierre massive1, les dalles étant quant à elles réalisées en béton. Trois anneaux concentriques structurent le plan d’étage-type: l’anneau extérieur et l’anneau intermédiaire, qui sont porteurs, et l’anneau intérieur, qui est autoporteur. L’utilisation de pierres en provenance de trois carrières de calcaire différentes s’effectuant en fonction de leurs propriétés mécaniques et de leur résistance aux éléments naturels.
Article dans Tracé, par Stefano Zerbi
https://www.espazium.ch/fr/actualites/volumes-de-pierre
Comme John Ruskin l’écrivait dans Les pierres de Venise, les pierres naturelles qui constituent un bâtiment peuvent raconter des histoires à ceux qui sont capables de les lire1. Pour les bâtiments de Plan-les-Ouates (lire l'article Pierre massive à domicile), nous aimerions en raconter deux. La première concerne le matériau choisi, le calcaire: à Genève, c’est un choix qui s’adapte à l’environnement construit. Cette ville présente, en particulier dans les bâtiments réalisés après la première moitié du 19e siècle, un large emploi de calcaires provenant autant du Jura que de la région Rhône-Alpes2. Des calcaires plus résistants et de porosité réduite dans les socles des bâtiments, corniches et modénatures, et des calcaires de duretés inférieures – et donc de façonnage plus aisé – pour les façades et les éléments décoratifs. Certains de ces matériaux, et en particulier ceux de provenance suisse, ne sont plus disponibles aujourd’hui. Notre histoire se termine donc par une double interrogation: comment concilier l’impossibilité d’employer la ressource «locale» et la recherche d’une possible intégration des constructions dans leur contexte bâti, formé par toutes les couches géologiques et historiques3.
La deuxième histoire parle de la ressource et de son emploi. La pierre naturelle a été utilisée pour la réalisation de toutes les structures verticales des bâtiments. Le système structurel choisi est celui d’une façade et d’un noyau intérieur porteurs, formés par des maçonneries en pierre naturelle. Selon le vieux principe de la bonne pierre au bon endroit, pour les bâtiments de Plan-les-Ouates, trois pierres naturelles ont été employées. Des calcaires qui ont des caractéristiques mécaniques et de résistance aux agents atmosphériques différentes. Le calcaire fossilifère de la carrière des Estaillades a été employé pour les maçonneries non porteuses d’épaisseur 14 cm qui séparent les pièces de service dans le noyau des bâtiments. Ce calcaire poreux se trouve donc dans une partie non exposée. Les maçonneries porteuses du noyau central d’épaisseur 30 cm sont constituées par le calcaire oolithique de Migné.
Le même calcaire, avec une épaisseur de 40 cm, a été employé pour les maçonneries des façades en dehors des éléments les plus sollicités statiquement, comme les linteaux, ou par les agents atmosphériques, comme le socle, les corniches et la balustrade de l’acrotère. Pour ces éléments, le choix s’est porté sur le calcaire oolithique de Brétigny. Le volume total de pierre naturelle mise en œuvre atteint les 2200 m3 ou 10 000 blocs de pierre naturelle. Les éléments de grandes dimensions, posés avec un mortier de chaux et ciment, présentent des surfaces brutes de sciage. Ce choix, imposé aussi pour des raisons de coûts, rend les bâtiments clairement reconnaissables et les différencie des anciens édifices, qui présentent une mise en œuvre «classique» du matériau. Dans le passé, les calcaires étaient «ravalés» pendant la mise en œuvre afin de rendre les surfaces les plus homogènes possibles. Ces traitements de surface permettaient également de produire des ombres et des «vibrations» dans le matériau. La surface brute de sciage, paradoxalement, produit ces mêmes effets grâce aux traces laissées par les disques diamantés. Des effets similaires sont visibles dans les bâtiments de logement de Fernand Pouillon, Gilles Perraudin ou Jørn Utzon, tous réalisés avec des calcaires.
Les deux immeubles en cours de réalisation aux Sciers démontrent que la pierre naturelle massive structurelle peut être employée pour la construction de bâtiments de logements contemporains à loyer modéré4. Ils montrent également que le matériau pierre naturelle n’est pas seulement un choix constructif contemporain, mais qu’il peut également contribuer à enrichir nos villes en significations.