Réhabilitation de 485 logements à Paris
Au cœur d’un vaste jardin privatif se dressent quatre tours de douze étages, quand cinq barres structurent le parc dans sa périphérie. Les 485 logements reposent sur un immense socle paysager. Ainsi se caractérise l’îlot Contenot-Decaen, héritage de l’urbanisme des années 1950, site remarquable dans le spectacle de la nature qu’il offre à tous ses habitants, en plein Paris.
Remarquable également par l’indéniable qualité d’usage tout en exprimant une écriture architecturale sobre.
Les appartements sont bien distribués, traversant, avec de bonnes qualités spatiales, bénéficiant d’espaces privatifs extérieurs tels que terrasse ou loggias. Les cages d'escalier et les paliers sont magnifiques et largement vitrés. Notre projet vise à préserver ces qualités intrinsèques à l’architecture existante.
La morphologie de l’îlot fait cependant part d’une rupture avec le tissu urbain environnant. Les trois barres situées rue Claude Decaen et rue Brèche aux loups forment une enceinte imperméable. Le linéaire de façade rue Claude Decaen, mesurant près de 250 mètres, est démesuré et ininterrompu. L’unique entrée de l’îlot sur ce pan, seul évènement dans le front urbain composé des deux barres, scinde le linéaire.
En jouant sur l’aspect et la matière de la façade, la composition Tours-Barres-Parc s’équilibre, structurée par l’espace publique de la rue d’une part et la végétation d’autre part, en magnifiant son rapport au jardin dans lequel elle s’édifie tout en créant une nouvelle situation urbaine dans le dialogue qu’elle entretient avec l’espace publique de la rue.
L’îlot bénéficie d’une dynamique végétale dont nous saisissons afin d’enrichir son image. L’ensemble bâti ne vient plus seulement occuper le paysage mais le valoriser. Notre objectif est une mise en tension plus juste des éléments de la composition Contenot Decaen.
La sobriété architecturale de l’ensemble est une donnée que nous valorisons ; la verticalité des tours, les grands châssis vitrés, la matérialité. Autant cette sobriété à l’intérieur du parc est cohérente et a un effet bénéfique sur l’ensemble, autant l’uniformité est lassante vue depuis le faubourg parisien.
Le projet génère un dispositif de façade qui rende l’ensemble plus réceptif à son environnement, qui valorise le paysage existant et atténue l’occupation massive visuelle des bâtiments. Notre travail s’attarde sur les embrasures des ouvertures, interface capable entre les logements et l’environnement extérieur, les socles et les pignons. Nous utilisons les propriétés de réflexion de l’aluminium alliées à celle de la céramique émaillée, afin de permettre une façade sensible aux variations de la lumière, à la présence végétale, à la ville, au temps. Le métal ne réplique pas à l’identique ce qu’il reflète mais offre une recomposition abstraite sur sa surface d’un nouveau paysage.
Regarder le paysage non pas comme une entité mais comme une composition de fragments qui font part de toute sa complexité nous permet de renouveler l’image contemporaine de l’îlot. Ce n’est plus la monumentalité des édifices qui s’impose à nous mais le paysage recomposé par les nouvelles matières que sont le métal et la céramique.
Grâce à ce dispositif, le statut des bâtiments évolue : tours, ciel, barres, arbres, sol, nuages, passants, oiseaux, cheminements et rues composeront ensemble, sans hiérarchie, le nouveau paysage de l’îlot Contenot Decaen.
En transformant sur leur surface la forme des feuilles d’arbres, la couleur des fleurs, les rayons incidents du soleil, la teneur en bleu du ciel, les façades offrent à l’habitant une palette verticale, composition sensible de son environnement.
L’élégance architecturale des tours est maintenue. Par le travail des embrasures, une ombre portée vient amplifier le caractère vertical des bâtiments. Un travail similaire est accompli sur les barres, façades plus répétitives et monotone, pour créer de la variation en rythmant la longueur et cassant l’homogénéité linéaire des façades.
Avec un travail analogue sur le traitement des embrasures, des socles et des pignons, nous arrivons à un résultat très variée répondant aux différentes situations urbaines.
Une attention particulière est portée sur le traitement du front de rue des barres afin d’intensifier les connexions visuelles et physiques de l’îlot avec le tissu urbain environnant. Notre volonté est de sublimer la composition existante en mettant en place une intervention respectueuse, qui tire sa force de l’existant.
Le traitement des pignons et des barres permet à chaque entrée d’îlot, seule interruption dans le linéaire de façade, de s’affirmer comme un évènement au sein de la rue.
Le soubassement, fil d’Ariane de l’îlot, se caractérise par de la céramique émaillée. Celle-ci permet d’adoucir ces longs pans de façade, symptomatiques de la typologie de la barre, rue Claude Decaen et rue Brèche aux Loups. Ce grand ruban de céramique étincelante figure la première connexion entre l’espace public de la rue et l’îlot. Il permet la cohabitation harmonieuse des différents usages que propose le rez-de-chaussée de la barre.
L’angle biaisé de la barre rue Decaen et rue Brèche aux loups permet une appropriation du coin de la rue et lui confère un statut de signal que nous intensifions. Aujourd’hui marqué par un brutal décrochement de façade, celui-ci est requalifié afin d’adoucir la cassure entre le rez-de-chaussée public et les étages privés.
Les embrasures des ouvertures sont travaillées afin d’enrichir le dialogue avec le quartier. Il s’agit pour nous de casser la répétition de la fenêtre tout en respectant la qualité de l’architecture existante. Les appuis de fenêtres existants, rythmant la façade de manière soutenue, disparaissent dans l’épaisseur de l’isolation. L’utilisation de l’aluminium et de ses capacités réfléchissantes rendra la façade poreuse au monde extérieur en concentrant sur un même plan vertical rue, bâti, passants, ciel, nuages, végétation. Ce dispositif permettra d’instaurer une nouvelle situation urbaine.