marie CAPIAUX
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- Adresse : 28 RUE DE PARIS 59000 LILLE
Marie Capiaux, seule aux commandes de l'agence qu'elle a fondée il y a sept ans dans sa région natale après cinq années d'activité salariée (faisant preuve d'un soupçon assumé d'inconscience), est une architecte de la première moitié du XXIe siècle.
Après quelques modestes commandes privées, elle s'est récemment illustrée dans le domaine de la commande publique par deux réalisations notables, des bâtiments scolaires qui lui ont donné la possibilité de manifester son attachement à la dimension sociale des constructions destinées à l'usage collectif.
Diplômée de l'École d'Architecture de Lille en 2004, sa pratique du métier est le résultat d'un cheminement réfléchi. Des rencontres décisives ont jalonné son parcours et nourri sa façon d'exercer, de Pascal Truffaut et son rapport exigeant au sujet, au volontarisme didactique de Françoise Fromonot en passant par le regard raffiné d'un Tony Fretton sur le soin porté au design intérieur. Chacun d'eux va enrichir sa vision déjà très personnelle du métier, lyrique et pragmatique à la fois, où le souci de l'utilisateur et la prescience des différents besoins se décèlent dans la conception de chaque recoin bâti, de chaque espace pensé. Si elle sait l'importance de ces figures dont elle a reçu l'enseignement, de Lille à Rotterdam, elle se réclame volontiers de créateurs aux destins marginaux mais à l'impact durable dont elle aime l'esprit d'indépendance.
Femme de tête veillant âprement sur les différentes phases d'un projet, femme de corps pour le vif intérêt qu'elle porte à la spécificité d'un matériau, à la force insoupçonnée d'un détail dont elle assure l'intégration finale ou la modification opportune, le travail sur le terrain ne lui fait pas peur. Le chantier sur lequel elle se veut très présente lui permet d'éprouver la saveur des rencontres et l'importance des échanges.
Si elle apprécie toujours autant son métier pour la polyvalence qu'il autorise, elle déplore que la fragmentation des tâches et la temporalité oppressante de notre époque tendent à le dépersonnaliser. Elle y remédie à sa façon, réservant une grande part de son activité à la concertation qui, selon elle, oriente toujours positivement la conduite d'un projet, sur le terrain comme en agence.
Décisif est son rapport au lieu. Avant toute entreprise, elle se montre attentive au message dont le site est porteur, réceptive à ses forces en latence. Chez elle, l'imprégnation mentale passe avant le gout des audaces formelles. Courir après l'air du temps lui est égal, elle préfère la qualité de celui qu'on respire, un souci environnemental dont tous ses projets témoignent.
L'école de Lederzeelle ou plus récemment celle de Fenain lui ont permis de voir l'heureux dénouement d'un projet mené par une jeune architecte motivée et un maître d'ouvrage consciencieux, surtout quand la sensibilité et l'intransigeance leur sont communes. Cette expérience privilégiée, elle se plait à penser qu'il lui sera possible de l'éprouver à nouveau.
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Le château de ma mère
Mon cheminement d'architecte commence à Herre-les-Rue, là où s'achève ma vie d'étudiante marquée par le passage du Travail Personnel de fin d'Études.
Mon sujet ' Concevoir, réaliser et faire exécuter la réhabilitation d'une fermette du XIXe siècle plantée en bordure d'un charmant bourg picard à quelques kilomètres de la baie de Somme. Ma cliente ' Ma mère, Eva, qui souhaitait disposer d'une maison à elle offrant, en plus d'un espace de vie familiale, deux chambres d'hôtes.
Il y a là un corps de logis principal en bois et torchis sur la longueur duquel, côté jardin, a été greffé dans les années soixante-dix une extension en parpaing. Côté cour, à angle droit de la longère, un ancien garage et un appentis sont destinés, après transformation, à devenir deux chambres accueillantes.
Les idées maîtresses du projet prennent corps, élaborées au fil d'un dialogue mère-fille ponctué de gribouillis sur calque et de blanquettes de veau odoriférantes. Des intuitions se sont confirmées, des visions échafaudées. L'aspect extérieur des façades est conservé. A l'intérieur, par contre, table rase : toutes les cloisons bricolées, murs de séparations et faux plafonds sont abattus tout en renforçant les structures porteuses qui en ont bien besoin. Les colombages intérieurs sont conservés et évidés. Le grand rectangle ainsi décloisonné est rempli à nouveau en ses extrémités. D'un côté la chambre des parents et la salle de bain, de l'autre la salle à manger et celle du petit déjeuner des hôtes. Au centre, la vieille cheminée de briques, bordée par la cuisine ouverte, composée d'un long meuble de travail et de ses rangements, forment le c'ur vivant et chaleureux de la maison.
La modicité du budget impose sa marque sur le chantier : apologie de l'ordinaire, bricolage, récupération, système D pour un travail sur le terrain incarnant mon goût du chantier et du détail maîtrisé, émouvant, propice aux bons usages. Sur le chantier, les rencontres avec les artisans enseignent une même chose à l'étudiante que je suis : que la partie se joue à plusieurs, loin des architectes démiurges et solitaires. La maison n'est pas bijou, ou laboratoire, ou manifeste, mais témoin, décor et outil pour une vie.
Aujourd'hui, si j'aime à construire pour les autres, c'est aussi grâce à cette maison, par laquelle j'ai commencé pour les êtres qui me sont chers.
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